FLUCTUAT NEC MERGITUR

Ce slogan en latin de la ville de Paris, qui a pris une dimension particulière après les attentats de 2015, reste avant tout l’équivalent marin de « ce qui ne tue pas rend plus fort » : « il est battu par les flots mais ne sombre pas ».

 

On peut discuter de la pertinence clinique de ces affirmations ; elles mettent néanmoins en avant cette
inclination de l’esprit humain pour la résistance.
Si d’instinct « on ne s’appuie que sur ce qui résiste » (François Andrieux), la résistance n’est pas forcément le contraire de la souplesse, au contraire : pour résister sans rompre, on se transforme en roseau qui plie plutôt qu’en bâton de bois – c’est la fable de La Fontaine.

Si la résistance suggère l’inertie, elle est pourtant inhérente aux grands changements sociétaux de notre histoire ; elle entretient le mouvement, l’anime et l’accompagne.
La couverture du précédent numéro vous a fait réagir, chères lectrices et lecteurs. Et toujours positivement ! Ça, pour nous, c’est un vrai cadeau. Le choix du doigt levé a posé question, mais nous avons misé sur l’insolence et la joie libératrice que son geste familier exulte. Et puis, tout est toujours affaire de contexte.

La référence au Zéro de conduite de Jean Vigo tentait en fait l’explication : quand l’autorité ressemble au désir de rétrécir, d’assujettir pour contrôler et de diviser pour mieux régner, la désobéissance est la réponse la plus saine et la résistance lui succède. Mon fils ne portera pas de laisse — du moins c’est lui qui la choisira, en pleine conscience.

Antonio Gramsci était un auteur italien qui militait pour la solidarité et une organisation civile désintéressée. Il écrivait notamment : « La crise consiste justement dans le fait que l’ancien [monde] meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés. » À cela, il ajoutait : « Il faut allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté ». Il développait alors son idée de « front culturel » : produire des objets médiatiques et des biens culturels qui mettent en avant d’autres représentations du monde et d’autres évidences que celles produites par les tristes passions du pouvoir et de l’argent.

Voilà bien qui nous parle chez Bibouille ! Car faire des enfants, c’est faire le pari de l’espoir. Et donner son attention aux autres, y compris celles et ceux qu’on ne connaît pas ou quand on n’est pas d’accord, c’est un acte de résistance contre la férocité du monde. C’est aussi un acte de création tourné vers un avenir forcément meilleur.

Lucie Olivier