L’urgence de ne rien faire
Publié le 05/08/2014 | Billet d'humeur
Les vacances s’accompagnent de l’entrée dans un espace-temps bien particulier, propice au « rien faire ». Le professeur s’intéresse – à la demande de sa femme – au rythme de vie de nos chers petits, notamment en période de repos.
« On récolte ce que l’on sème. » Aucune personne sensée ne se risquerait à contredire cette maxime digne du meilleur bon sens ancestral. Pourtant, les mêmes qui y voient aujourd’hui une évidence, viendront demain se plaindre à vous de l’hyperactivité de leur petit dernier. Ils est néanmoins probable qu’ils omettront de vous décrire les journées infernales qu’ils font subir à leur progéniture (activités sportives, journées d’école épuisantes, devoirs, stimulations numériques et télévisées variées, etc.). Or les animaux que nous sommes ont besoin de périodes de non-stimulation et les enfants sont des humains particulièrement fragiles et non pas des Shadocks désespérément en train de pomper.
Le diktat de l’urgence
Cédant à la pression d’une société exigeant de tous la performance et l’extériorisation excessive, nous imposons trop souvent à nos enfants le rythme effréné auquel nous soumettons nos propres existences. Ne rien faire et se mettre à l’écoute de son monde intérieur n’est pourtant pas le signe d’une attitude asociale, c’est au contraire le meilleur moyen de laisser mûrir les idées, d’offrir au cerveau un temps pour digérer ce qu’on l’a forcé à ingurgiter précédemment pour qu’il le transforme en idées créatives, en nouveauté. Apprendre à s’ennuyer c’est aussi apprendre à rêver.1
La richesse du vide
Les vacances sont une excellente occasion de laisser vivre l’introverti contrarié qui sommeille en beaucoup de gens et d’enfants. Par contre, il faut plusieurs jours pour que le corps et l’esprit se mettent dans les conditions d’un changement de rythme. Il ne suffit pas d’être en vacances pour se reposer, il faut d’abord opérer une adaptation qui permette de laisser derrière soi les repères du quotidien. C’est seulement une fois ce sas de décompression passé que l’on peut commencer à se considérer comme apte au repos mental.2
L’ordonnance du professeur
La prochaine fois que votre fille viendra quémander un dessin animé, apprenez-lui plutôt à chercher des formes dans les nuages. La prochaine fois que votre fils viendra vous chercher pour un jeu, demandez-lui si il est capable de vous décrire de mémoire le plafond de sa chambre. Les idées ne manquent pas. Profitez donc des vacances pour leur apprendre à ne rien faire. Et entrainez-vous. Car si c’est bon pour eux, c’est évidemment bon pour vous.
1 – Une thèse brillamment développée dans le livre La force des discrets. Le pouvoir des introvertis dans un monde trop bavard de Susan Cain, éditions JC Lattès
2 – Un cas extrême de gestion du temps optimal pour ceux qui en ont les moyens : The Power of Time off, conférence de Stefan Sagmeister dans le cadre des conférences TED (sous-titres français disponibles) : http://www.ted.com/talks/stefan_sagmeister_the_power_of_time_off
3 – Un exemple de lecture parmi d’autre pour une approche poétique de l’oisiveté : L’Art presque perdu de ne rien faire de Denis Laferrière, éditions du Boréal
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