Tous ces « faut-il ? »
Publié le 21/11/2014 | Billet d'humeur
En matière d’éducation, il est toujours dangereux d’écouter la parole d’un professeur, aussi Ouille fut-il.
Car élever des enfants revient à foncer tête baissée dans ce que la vie propose de plus subjectif, un espace mouvant qui fait souvent de la vérité d’aujourd’hui le contre-exemple de ce qui sera juste demain.
Quiconque a déjà eu la chance de feuilleter un manuel de savoirvivre et d’éducation ou un magazine traitant du sujet d’il y a plus de 40 ans sait à quel point l’enfant, fruit du « péché originel » était alors un être à remettre dans le droit chemin sans ménagement, quasiment un petit animal qui doit être dressé 1. Les références des siècles précédents, imprégnés de forte mortalité infantile, étaient encore plus durs car déniant presque le statut d’être humain des petits. Les rayonnages actuels, quant à eux, ont une fâcheuse tendance à proposer des modes d’emploi destinés à créer de véritables enfants-rois.
Interrogatif vs impératif
L’exacerbation de l’individualisme et la baisse du nombre d’enfants par ménage, combinés à la recherche d’un consensus éducatif propre à chaque cellule familiale 2 met une pression inédite sur chaque micro décision prise concernant l’éducation. Les médias, quant à eux, jouent un rôle pervers sous-entendant qu’il y aurait une bonne et une mauvaise façon de faire. Et c’est ainsi que l’on a plongé progressivement dans une spirale infernale de « faut-il ? » culpabilisants en remplacement d’impératifs dogmatiques (des « il faut ! »).
Des « faut-il ? » en folie
« Faut-il laisser les enfants se promener seuls en ville ? » 3, « Faut-il laisser les enfants gagner aux jeux ? », « Faut-il punir ? », « Faut-il récompenser ? », « Faut-il donner de l’argent de poche ? », « Faut-il acheter un portable, une tablette ? », « Faut-il vacciner ? », « Faut-il parler bébé ? », « Faut-il s’inquiéter ? », « Faut-il scolariser à deux ans ? », « Faut-il parler de sexe ? », « Faut-il tout dire ? »… Avouez qu’il y en a au moins un ou deux dans cette liste qui vous titillent.
Les limites du Professeur
N’attendez pas ici le moindre conseil pour répondre à ces questions. Le Professeur ne peut que constater que – à l’image du monde actuel – l’éducation est passée d’une (longue) ère de préceptes dictés par un impératif conformiste à une généralisation du doute et de la remise en question permanente. Était-ce mieux avant ? Moins bien ? Bien malin qui peut le dire. De toute façon, quoique l’on fasse, le parent parfait n’existe pas et on sera toujours la vieille école pour nos descendants. Faut-il réellement s’en inquiéter ?
1 • Un bel exemple : Antoine Doinel dans le film Les 400 coups de François Truffaut
qui montre la violence de l’éducation dans les années 60
2 • Quoi qu’en disent certains obscurantistes, on progresse tout de même dans le
bon sens en ce qui concerne l’égalité homme-femme et la répartition harmonieuse
des tâches et prises de décisions au sein des couples.
3 • Un article passionnant de Rue89 reprenant une étude anglaise montrant à quel
point on ne laisse plus les enfants s’éloigner seuls de chez eux : http://lc.cx/h4T
Illustration : « Les 400 coups » de François Truffaut
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