Dans ma valise, j’ai…

Du dentifrice et un duvet ? Un Pokémon et une peluche ? Des livres et une lampe de poche ? Qu’on prenne la route ou qu’on reste en Alsace cet été, partons en voyage au cœur de la valise… Car comme le disait Coluche : “C’est pas tout d’avoir des bagages, encore faut-il savoir où les poser”.

————————————————
Un peu d’histoire(s)
D’où vient la valise ? Quand a-t-on eu l’idée géniale d’y ajouter des roulettes ?

Etymologie
On sait que le mot “valise” était déjà employé dans la langue française au milieu du XVIe siècle. D’ailleurs, Joachim du Bellay l’emploie dans son recueil de poèmes “Les Regrets”, publié en 1558. “Valise” vient vraisemblablement de l’italien “valigia”, qui signifie “petite malle”. Des auteurs italiens comme Boccace et Franco Sacchetti l’employaient déjà dans leurs ouvrages au XIVe siècle. “Valigia” provient lui-même probablement du latin “valisia”, dont l’origine est incertaine. Il s’agit peut-être d’un dérivé du radical gaulois “val”, signifiant “entourer”.

La roue tourne
En 1970, Bernard D. Sadow rentre de vacances aux Antilles. Il a bien du mal à porter ses valises. Il aperçoit alors un manutentionnaire traîner un chariot lourdement chargé mais pourvu de roulettes et dit aussitôt à sa femme : « Voilà ce qu’il nous faudrait ». Rentré chez lui, il accroche quatre roues à sa valise – la valise à roulettes était née. Étrange histoire que celle de cette innovation, qui a à la fois permis et accompagné l’explosion de l’industrie touristique : le recyclage d’une invention vieille de cinq mille ans (la roue), preuve que l’on n’innove pas qu’avec du neuf. B. D. Sadow dépose un brevet. Le texte accompagnant le brevet est intéressant : l’inventeur y explique que le transport aérien supplante le transport ferroviaire pour les longs trajets ; or dans les gares, il y a des porteurs (à l’époque) et ceux-ci peuvent conduire les bagages jusqu’à la rue (où on prend un taxi). Rien de tel dans les aéroports situés en dehors des agglomérations.

Pilote de valise
Près de 20 ans après que Sadow ait créé le prototype du premier bagage à roulettes, Robert Plath, pilote de 747 de Northwest Airlines, a eu la brillante idée, en 1987, de retourner sa valise en position verticale, d’installer deux roues à la base et d’ajouter une poignée rétractable au sommet. La valise à roulettes est née !
—————————————————————————————–
Dans les livres
Valise de l’étranger, valise-colère, valise comme un poids… Les auteurs parlent subtilement aux enfants de différence, de foyer, de liberté.

ENFANTS
La valise
Dès 3 ans
Chris Naylor-Ballesteros
Ed. Kaléidoscope
Un étrange animal arrive, couvert de poussière, tirant derrière lui une grosse valise. Les animaux surviennent et l’interrogent : qu’y a-t-il dans cette valise ? Les réponses étonnent : peut-il vraiment y avoir une tasse à thé, une chaise et une cabane dans une si petite valise ? L’étrange animal est trop fatigué pour en raconter davantage, il s’endort. Les animaux prennent alors une décision pour connaître la vérité : ouvrir la valise. A l’intérieur, toute la vie de l’étrange animal est en effet réunie : une tasse cassée et une photo de son ancien chez lui.

La valise
Dès 3 ans
Frédérique Bertrand
Ed. Rouergue
Le petit héros de cette histoire est tellement en colère qu’il décide de faire sa valise et de partir. Tel est le point de départ de l’intrigue. Puis à chaque double page, on le voit remplir sa valise des choses qui lui sont importantes (vêtements, jouets, meubles, nourritures…). Et au fur et à mesure, comme Mary Poppins, sa valise grossit pour englober tout ce nécessaire, jusqu’à certains objets inattendus qui le ramènent à la raison.

Le voyage d’Agathe et son gros sac :
Dès 6 ans
Magali Le Huche
Ed. Sarbacane
Agathe habite au 96e étage du mégachouette building de la 325e rue. Malgré sa joie de vivre et les multiples activités auxquelles elle s’adonne, un jour, elle doit se l’avouer : elle s’ennuie. Par chance, elle tombe sur une publicité pour un sac EXTRA-LARGE. Ni une ni deux, Agathe décide de l’acheter et de partir. Emportant avec elle le « strict » minimum la voilà partie direction l’aéroport. Mais quand on est une petite fille surchargée comme elle l’est, pas facile de s’en sortir dans cette jungle urbaine surpeuplée.  Et si le Paradis était en fait au bout de notre rue ?

Dans sa valise
Dès 3 ans
Clotilde Perrin
Ed. Seuil Jeunesse
Dans sa valise, un petit homme glisse quelques affaires. Clic Clac! et il part en voyage: une traversée fascinante, qui l’embarque dans différents contrées : à travers des océans, sur le sommet de montagnes à gravir, au fond d’une forêt obscure…
Il voyage de maison en maison, et même de rêve en rêve, avant de rentrer chez lui et de poser sa valise.
Et là, que reste-il dans sa valise? Surprise !
Un livre à rabats qui plaît toujours beaucoup aux jeunes enfants. A la manière d’une boîte dans une autre boîte, les enfants ouvrent et déplient les volets. Un livre gai et rythmé, construit en boucle. Adapté aux tout-petits, il pourra les amuser sans se lasser.

ADULTES
Sois sage ô mon bagage
Hélène Honnorat
Ed. Yovana
− Pourquoi Claude Lévi-Strauss, célèbre anthropologue français, suçait-il les perles dont il se munissait en vue de son expédition dans le Brésil central ?
− Que découvrit Mary Kingsley lorsqu’elle versa dans son chapeau le contenu de la besace appartenant à l’un de ses amis de la tribu des Fangs ?
− Dans quel but l’aviatrice américaine Amelia Earhart, penchée hors de la carlingue d’un avion, bombardait-elle un paquebot à coups d’oranges tirées de sa valise ?
– Sur le pont-couvercle d’un bateau, Albert Londres note que par la magie des étiquettes les valises révèlent leur provenance.

—————————————————-
Dans l’art
Objet usuel, notre valise, aujourd’hui, devient objet d’art, inspirant sculpteurs, peintres, trouvant sa place dans des lieux appropriés ou plus surprenants.

#Lewis Carroll et Cadi
Jorge Alberto Cadi, dit « El Buzo » (le plongeur), utilise des objets trouvés qu’il ramasse dans les rues de La Havane et accumule pour ses productions.

L’expression créée par Lewis Carroll, « portmanteau word », que l’on traduit par « mot-valise », part du terme anglais employé pour « une valise rigide en deux parties qui s’ouvre comme un livre » et désigne une concrétion verbale où « deux sens sont empaquetés dans le même mot » (De l’autre côté du miroir, 1871). La valise est donc l’objet à l’origine du mot-valise, qui agglomère deux mots afin de produire une troisième signification.
Ce surgissement poétique trouve bien son équivalent dans les productions plastiques de Cadi. Les objets qu’il utilise comme supports de ces photographies sont souvent des valises usagées, récipients malcommodes qui n’ont plus rien de commun avec les sémillantes valises à roulettes circulant dans les aéroports d’aujourd’hui. Ces valises lui servent d’écrins, elles contiennent parfois des assemblages de collages, provoquant des rencontres.

« Quand tu fermes la valise, dit-il, tu réunis des personnes qui ne se sont jamais vues. Elles retournent voyager… Parfois dans une autre dimension. » Cette autre dimension est-elle mystique ? Relève-t-elle des croyances magiques et/ou religieuses qui habitent cet auteur ? Ce « voyage », à comprendre comme un dépassement de l’espace et du temps vers une dimension alternative, est obtenu par des moyens, en apparence rudimentaires, qui renverraient peut-être à un art magique.
(Claire Margat sur artpress)

#La boîte-en-valise de Marcel Duchamp
Basée sur le principe d’un cabinet de curiosité, la boîte-en-valise de Marcel Duchamp se conçoit comme un musée portatif.

L’œuvre comprend une valise à fermoir, faite de carton recouvert d’un cuir couleur beige, contenant 69 reproductions des principales œuvres de Duchamp, dont de nombreuses photographies, lithographies et répliques miniatures des ready-made comme Fontaine, de compositions en modèle réduit sur Rhodoïd comme Le Grand Verre.

De 1941 à 1966, seront assemblées 312 valises destinées aux souscripteurs. Les 22 premières, intitulées La boîte-en-valise ou Valise, sont réalisées par l’artiste lui-même (selon le principe d’une version de luxe) et contiennent une œuvre originale. Toutes sont signées avec la mention « De ou par Marcel Duchamp ou Rrose Sélavy ».

#Valises monumentales de John King

Les valises monumentales de John King, véritables sculptures en béton, sont dispersées, depuis 1998, à Liverpool dans Hope Street, rappelant quelques grandes personnalités originaires de la ville ou y ayant séjourné : Dickens, Paul McCartney, l’architecte Gilbert Scott, le philanthrope Robert Cain…

————————————————————————-
Du coeur
Tristan Tzara, figure du mouvement dada, voit dans le cœur une valise, ou inversement ?

“En route pour l’aventure ! Les voyages remplissent les valises du cœur que le Poète tient toujours ouvertes pour les besoins du hasard et des nécessités fuyantes de l’heure”

“homme approximatif te mouvant dans les à-peu-près du destin
avec un cœur comme valise et une valse en guise de tête
buée sur la froide glace tu t’empêches toi-même de te voir”

————————————————————-
Mary Poppins !

On s’émerveille devant la capacité du sac fourre-tout en tapisserie de l’iconique Mary Poppins, au mot magique, « superlong » ! La nurse y range une patère pour son chapeau, un miroir, une plante, un lampadaire, des chaussures… Elle rappelle la valise de Méliès, d’où il sort, dans une chambre d’hôtel, un tas d’objets-meubles à n’en plus finir ; et comble de cette performance, plusieurs invités sortent de la malle de l’artiste. S’étant fait surprendre par le garçon d’étage lui demandant de l’argent pour le loyer, il replie et remballe tout son « petit » monde et s’éclipse (par une fenêtre de l’hôtel) grâce à une échelle « sortie de ses manches ».

—————————————–

A voir : La fille à la valise, Valerio Zurlini
La douceur d’un tournage sur la côte Adriatique, la talentueuse Claudia Cardinale, une histoire d’amour impossible…

Dans une bourgade italienne, Aïda, une jeune danseuse de province attirée par le succès, se laisse séduire par les belles promesses de Marcello, un don juan qui se lasse bientôt d’elle. Il demande alors à son frère Lorenzo d’éloigner la jeune fille. Celui-ci, bien qu’âgé de 16 ans, est ému par la triste histoire d’Aïda et décide de la protéger.
Ce film qui dévoile un jeu d’acteur impeccable, à l’ambiance Nouvelle vague italienne, raconte le mouvement impossible et la trajectoire contrariée de l’héroïne : un train passe, une route déserte apparaît dans le cadre et une voiture s’oppose au mouvement du train en prenant un sens inverse. Si le mouvement s’annule, c’est bien parce que chaque avancée d’Aïda n’amène en fait qu’un retour au point de départ, un retour à la valise et à la marche pour (sur)vivre.

———————————————————–

La valise mexicaine
Robert Capa est un photographe et correspondant de guerre hongrois. Ernest Hemingway, son ami, s’est inspiré de ses photos pour son livre Pour qui sonne le glas. Il est connu pour avoir notamment couvert la guerre civile espagnole.
La valise mexicaine est le nom que l’on donne à trois boîtes contenant environ 4 500 négatifs de Capa, de sa femme Gerda Taro et de son collègue et ami David Seymour, pris lors de la guerre d’Espagne. Ces pellicules avaient disparu à Paris en 1939, et sont retrouvées officiellement en 2008, au Mexique, provoquant un engouement légitime dans l’univers du photoreportage et de la recherche historique.

Après plus de soixante-dix années de pérégrinations rocambolesques et de péripéties diverses, la valise mexicaine révélait son extraordinaire contenu : une manne de documents en très bon état de conservation, et pour une large part totalement inédits, déployant le panorama détaillé d’un conflit qui a changé le cours de l’histoire européenne.