« Rêver l’école »
Publié le 03/09/2021 | Grand angle
Ce que nos auteurs et autrices complices imaginent quand ils se surprennent à rêver.
GRIMPER AUX ARBRES par Nicolas Schelté
Nicolas est le directeur de publication de Bibouille. Il a créé le magazine car, jeune père, il s’est
rendu compte qu’il n’existait pas de format papier qui recensait les activités à faire en famille
en Alsace.
Il y a cette image du singe, du serpent, de l’éléphant, du poisson, au pied d’un arbre et le plus intelligent est celui qui aura grimpé tout en haut en premier. L’image est connue mais toujours pertinente. L’école note sur des critères qui ne vont pas à tout le monde, il faudrait sortir de cette grille d’analyse unique qui n’a pas de sens face à la diversité des formes d’intelligences contenues en chaque enfant. Quand on me dit rêver l’école, c’est ce qu’il y a pour moi de plus évident.
Après, il y a la cantine. L’évidence à rappeler : moins de nourriture industrielle, plus de circuits courts, des produits de saison.
Et puis, les cours de récré… Je rêve d’arbres, d’ombres et d’eau, de jardins partagés dans lesquels ils pourraient cultiver du basilic et cueillir des pissenlits, qui sont d’ailleurs des fleurs qu’on ne reconnaît pas à leur juste valeur !
L’ÉCOLE DES LUMIÈRES par Grégory Huck
Grégory Huck est peintre, poète et écrivain, père de deux enfants. Il dirige
également une bibliothèque municipale.
Si le rôle d’un professeur est d’instruire, c’est-à-dire, en parallèle et avec les parents, d’apporter à l’enfant l’ensemble des outils et connaissances qui lui permettront d’accéder à une bonne compréhension du monde et d’y évoluer avec un esprit libre et critique afin de faire les choix qui répondront à son épanouissement personnel, ne faudrait-il pas alors que le bonheur soit la pierre angulaire de tout système éducatif ? Bonheur de celui qui partage son savoir et de celui qui le reçoit ?
Ne serait-il pas important de penser l’école non pas comme une fabrication d’êtres parfaits et performants mais épanouis et enthousiastes ? Ce sont avant tout aux professeurs que devrait être confiée cette tâche de la fondation d’une nouvelle école, un collège d’enseignants soutenu par des acteurs de trois autres disciplines : la philosophie, la psychologie, la sociologie.
Pourquoi ces trois sciences ?
Il faut remettre de l’esprit, pas de la morale ! Il faut donner aux enfants les outils pour se battre contre l’obscurantisme commercial qui couvre nos villes. Pourquoi attendre le lycée pour apprendre ce que les philosophes savent sur le bonheur et la lumière ? L’allégorie de la caverne, enseignement de Platon, n’est pas beaucoup plus compliquée à comprendre que l’utilisation d’un smartphone. Je pense aussi que des cours de psychologie comportementale et cognitive seraient les bienvenus, pour restaurer la volonté et l’image de soi, l’attention et la concentration. La sociologie, enfin, plutôt que la morale : apprendre les fondements des mécanismes de groupes et des individus me semble une bonne approche pour de nombreux sujets. Il ne suffit pas de dire que le harcèlement est mal et de mettre un numéro vert en place, il faut expliquer pourquoi et comment on en vient à nuire à l’autre, par exemple.
Aussi, et c’est le seul moment où ici, je prêche pour ma propre paroisse : je crois en la poésie à l’école. Pas la poésie qu’on apprend par cœur, mais la poésie qui fait progresser l’imaginaire et la curiosité à l’approche de la métaphore. Plus l’enfant connaît de mots et plus il sait qu’un mot peut avoir plusieurs dimensions, plus l’enfant sera en mesure de comprendre le monde qui l’entoure pour se l’approprier et s’y fondre avec joie.
Pour conclure, souvenons-nous de cette phrase importante de Rabelais « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Il nous faut de l’âme, des lettres et de la pensée pour encadrer l’évolution technique des générations futures.
LE BROL par Emilie Schelté
Ancienne rédactrice en chef de Bibouille, Émilie Schelté vit à Bruxelles dans sa joyeuse famille recomposée.
Ma rédactrice en chef m’écrit et me demande de réfléchir sur le thème du Bibouille de la rentrée : Rêver l’école. C’est amusant parce que ce thème a longtemps effleuré mes pensées (je suis maman de deux enfants, dont une grande qui a maintenant 18 ans – est-ce encore une enfant ? – bon ça, c’est un autre sujet ! Et un petit garçon de 7 ans), bref, j’ai eu l’occasion de réfléchir au sujet… en dilettante, je l’avoue. Mon amoureux – à qui je raconte tout – mais cela aussi c’est un autre sujet ! – me dit : « demande donc aux gosses ! » (Il en a trois, lui). Me voici donc partie en quête des gosses… Je n’arrive à mettre la main que sur le plus petit (trois ans et demi) et je lui demande comment, lui, il rêve l’école, qu’est-ce que ce serait pour lui, l’école rêvée, l’école idéale… Il me répond très sérieusement : « moi, je veux une école qui est nulle part ! »… Punaise je savais bien qu’un enfant ça philosophe, mais là le niveau est élevé ! Je suis assez d’accord avec lui cela dit, ne pas être obligé de se retrouver enfermé dans une pièce c’est déjà une bonne base. Je me souviens de mes premières années d’école à Bauchi, au Nigéria, je passais certes quelques heures enfermée dans une classe, mais ma cour de récréation était un paradis : des manguiers, des rochers et même une vieille carcasse de voiture que nous conduisions et où nous inventions des histoires terribles ! Quelle ne fut pas ma déconvenue lors de mon retour en France… Ma rentrée au CP s’est faite dans les larmes et le désespoir (non, je n’en rajoute pas), je suis arrivée dans une cour de récréation encerclée par des murs en béton, au sol : du bitume, et, l’image est encore très nette pour moi aujourd’hui, des ronds, des arbres plantés dedans, des arbres sans branches accessibles et sur lesquels – bien sûr – il était interdit de grimper. Ça vous plante un décor ! Rêver l’école… comme un territoire à découvrir, à arpenter, à apprivoiser même. Confier son enfant à un «brol* » qui viserait son épanouissement dans l’environnement dans lequel il évolue. Je suis tombée sur un extrait de texte de Marguerite Yourcenar datant de 1980 (Les Yeux Ouverts) dont je me permets de citer ici un passage :
« J’ai souvent réfléchi à ce que pourrait être l’éducation de l’enfant. Je pense qu’il faudrait des études de base, très simples, où l’enfant apprendrait qu’il existe au sein de l’univers, sur une planète dont il devra plus tard ménager les ressources, qu’il dépend de l’air, de l’eau, de tous les êtres vivants, et que la moindre erreur ou la moindre violence risque de tout détruire. ». Elle dit bien d’autres choses que je trouve justes, ainsi je vous en recommande chaudement la lecture ! Apprendre à connaître le monde dont on fait à présent partie, en toute simplicité, apprendre à connaître les autres qui sont une partie de nous comme nous sommes une partie d’eux. Chemin faisant, je parviens à attraper un deuxième gosse, le mien, et lui pose la même question, réponse de Joseph : « comme ma deuxième maternelle ! Parce qu’on faisait que jouer, alors que là, euh… on doit que se concentrer tout le temps ! ». Le jeu, évidemment ! La liberté d’exprimer toute sa créativité et son imagination pour apprendre et comprendre le monde qui nous entoure. Donner à l’enfant l’envie d’apprendre, par le jeu, mais aussi par le biais culturel et artistique, par la coopération et la coéducation des enfants entre eux. Respecter l’autre et savoir se faire respecter, être suffisamment en confiance pour oser demander pourquoi aussi loin qu’il le faut ! Oser donner son opinion et acquérir de l’autonomie sans appréhender de faire mal. Apprendre à être à soi pour être mieux aux autres et au monde. Voilà comment à 44 ans, je rêve encore l’école, parce que c’est beau, et mine de rien ça fait avancer les choses, de rêver…
*brol : (nom fam. Belge), désordre, bazar, mais aussi truc, machin, bidule.
L’INSTRUCTION À LA MAISON par Émeline Mathéaud
Émeline Mathéaud est infirmière et elle commence très prochainement l’instruction en famille
pour son fils.
Je suis mère d’un petit zèbre, Mathis. Parce que chacun ses rayures et ses différences. Depuis la maternelle, le questionnement de l’instruction en famille fait serpent de mer dans nos têtes. Décision prise, il en est ravi et soulagé.
Pour nous, cela va moins de soi. L’organisation globale de la famille s’articulera autour de ce défi.
Notre zèbre aura la chance d’avoir une salle de classe aménagée dans la maison. Des meubles à casier, du matériel étiqueté dans des boîtes – dessin, peinture, moulage, perles, etc. Un endroit “laboratoire scientifique” avec microscope et télescope (il y a un petit balcon, autant en profiter…) et d’expérimentation (élevage d’insectes, germination…). Un espace lecture. Un espace d’accrochage, des organisateurs de journée et de semaine.
En projets extérieurs, potager, cabane, poulailler. La journée s’organisera en s’inspirant de certains modèles éducatifs étrangers : cours de cuisine, nettoyage de la classe, couture… Le piège serait sans doute de tomber dans le tout éducatif et que chaque activité devienne l’enjeu d’un apprentissage. Nous ferons donc l’inverse : nous ferons ce qui nous fait envie et regarderons ensuite de quelle manière cela étaye les compétences exigées au programme.
Avec l’aide du CNED, mais aussi avec créativité et intelligence, nous essaierons de faire ce qu’il faut pour outiller notre enfant à la vie quotidienne et à la citoyenneté.
Durant le confinement, tous les parents ont eu l’expérience mi-horrifiante mi-géniale de s’instituer professeurs de quelques mois, avec le guidage des professionnels. A contrario, cet épisode a permis à certaines familles de se rendre compte de l’importance vitale de l’instruction publique et de la nécessité de se battre aux côtés des enseignants pour conserver son sens premier : sa fonction de ciment social des valeurs de la devise nationale : Liberté, Egalité, Fraternité.
DIVISER POUR MIEUX APPRENDRE par Sidonie Dupierre
Sidonie Dupierre (nom et prénom modifié, ndlr) est enseignante en classe de maternelle, en éducation prioritaire. Elle a auparavant enseigné en classe spécialisée pour enfants en situation de
handicap (dispositif Ulis).
Pour reconsidérer les apprentissages, il faut d’abord faire des choix radicaux sur la logistique des classes. De mon côté, j’imagine un fonctionnement Ulis pour toutes les classes, avec 12 à 15 élèves maximum par classe. Il s’agit donc de diviser le nombre d’élèves par deux – le choix radical se pose là.
Le principe du fonctionnement Ulis, c’est de partir des acquis de l’élève pour construire un apprentissage. Ce fonctionnement ne peut se mettre en place qu’avec un petit nombre d’enfants. Ainsi, l’apprentissage est adapté à chacun : aucun enfant n’est laissé sur le carreau, ce qui est compliqué à éviter dans une classe ordinaire. Avec 15 enfants au lieu de 30, on apprend à les connaître, à connaître leurs points forts, leurs caractères, leurs goûts, leurs centres d’intérêts…
Par exemple, lors de la Coupe du Monde en 2018, j’avais pu leur proposer des activités autour du foot, c’était pas ma tasse de thé mais je leur avais appris par ce biais à faire des tableaux à double entrée, on est rentré dans la co-construction en fait. A partir de là, les enfants deviennent enthousiastes et ils adorent venir à l’école. On avait aussi fait des recettes de cuisine. Tu apprends AVEC eux, et ça fait toute la différence. C’est la métaphore de la recette de cuisine, justement : tu ne fais pas à manger pour eux et ils prennent ce qu’ils aiment dans l’assiette, mais l’inverse : vous cuisinez ensemble un plat qu’ils vont aimer.
C’est ce que j’entends par « co-construction de l’apprentissage ». Et la relation avec l’élève se transforme. C’est valable pour tous les niveaux et toutes les classes.
En tant qu’institutrice ou instituteur, l’effectif de la classe, le fait de bien connaître les enfants, change aussi le rapport au métier. Tu n’as pas une masse informe en face de toi, mais des individualités que tu connais, et dans ta manière de construire ton programme, tu sais où tu vas.
QUITTE À RÊVER ÉVEILLÉE par Lucie Olivier
Je suis votre fidèle rédactrice en chef et mère d’un petit L. qui a sa première rentrée à l’école cette
année !
Les mains dans la terre qu’il pleuve ou qu’il vente pour regarder pousser les oignons, construire des abris pour oiseaux et apprendre à reconnaître les gobemouches gris ou les mésanges charbonnières, écouter les conversations des grenouilles, faire un herbier, apprendre à recoudre les trous dans les vêtements, cuisiner ce qu’on va manger à midi, et puis…
Apprendre à écouter l’autre, à construire des arguments, à analyser des opinions, apprendre l’attention sans le jugement, le respect de soi et de l’autre, déconstruire le mérite, reconnaître les compétences et les fragilités de chacun et faire en sorte que tout le monde ait sa place…
Et puis encore, danser ensemble, que l’art plastique, la musique et l’expression corporelle soient au centre des apprentissages, écrire des poèmes et des chansons, monter des petites scènes de théâtre, fabriquer des marionnettes, inventer des formes hybrides et croiser les disciplines, dessiner avec les craies partout sauf sur le tableau noir…
Et puis aussi, apprendre à s’occuper des animaux, apprendre les gestes des premiers secours, apprendre son corps et comment il fonctionne, apprendre que la fragilité est belle et que tous les corps sont beaux et respectables, apprendre le consentement : le sien et celui de l’autre. Apprendre et donner le choix, apprendre à accepter le refus.
Apprendre que l’artisan et le médecin sont égaux, qu’on a le droit de ne pas savoir, que toute comparaison est absurde, que le langage est une force et une arme, rêver avec les élèves à l’heure de cours qu’on voudrait.
Mais encore
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