Schilick On Carnet : interview des éditions Père Fouettard
Publié le 17/11/2014 | Actualités
À l’occasion du salon Schillick On Carnet, Bibouille est parti à la rencontre des éditions Père Fouettard, un drôle de bonhomme qui réunit autour de lui une petite équipe de passionnés désireux d’offrir aux petits et aux grands des livres qui étonnent, amusent, touchent mais qui font réfléchir aussi ! C’est Florent Grandin, spécialiste des éditions qui a accepté de répondre à nos questions.
Bib : Pour le père Fouettard, qu’est-ce qui caractérise la littérature jeunesse ?
Père Fouettard : En 2013, environ 6 000 titres ont été édités en France. Avec une telle production, du livre en tissu pour les bébés aux romans pour ado, pas évident de caractériser la littérature jeunesse ! Pour nous, elle est avant tout constituée d’histoires destinées à procurer des émotions, à divertir, éventuellement à émerveiller. Je ne sais pas si les livres « moralos » ou didactiques font vraiment partie de la littérature. Après si la littérature qui divertit les enfants leur permet en plus de penser par eux-mêmes, de tisser des traits d’unions entre les générations avec des histoires qui plaisent aussi aux adultes, tant mieux, c’est peut-être une caractéristique de la bonne littérature.
B : Selon quels critères choisissez-vous les ouvrages que vous éditez ?
PF : Nous sommes spécialisés dans les albums illustrés, c’est donc l’aspect graphique qui prime. Ensuite, nous cherchons un scénario amusant et intelligent. Ils doivent plaire également aux parents pour que les lectures accompagnées soient un plaisir pour tout le monde. Dans Entre chien et poulpe publié en octobre, les dessins sont truffés de clins d’œil à destination des adultes, ils vont se marrer à chaque page. Nous voulons publier aussi bien des auteurs du monde entier que des auteurs locaux et nous allons essayer de les mettre en contact, de créer des synergies étonnantes et nouvelles
B : Constatez-vous une évolution dans les thèmes, les contenus des ouvrages destinés à la jeunesse ?
PF : Jusque dans les années 70, les ouvrages pour la jeunesse avaient avant tout un but éducatif, voire édifiant. Il y a eu par la suite une explosion de la diversité éditoriale, même si beaucoup de titres étaient aussi moralisateurs, simplement une morale à front renversé : tolérance, sujets sociétaux comme les divorces, la délinquance, la violence ou le chômage etc. Plus récemment, il y a, il me semble, un retour des livres « utiles » : les parents veulent « faire lire leurs enfants », une sorte d’aide à l’école. Il est important, grâce aux libraires et aux bibliothécaires, de faire comprendre à ces parents que le meilleur moyen pour que les enfants lisent c’est qu’ils s’y trouvent d’abord du plaisir, qu’ils comprennent que c’est un loisir unique et extraordinaire, le reste viendra tout seul.
B : La littérature jeunesse bénéficie-t-elle d’une plus grande liberté de ton ?
PF : Une plus grande liberté de forme, c’est certain : grande variété de formats, fabrications originales et soignées, diversité et importance des illustrations. Il y a moins de barrières dans les genres aussi, la magie, la « fantasy », toutes les palettes du merveilleux sont autorisées car il n’y a pas d’impératif de « sérieux » comme chez les adultes. Mais une vraie liberté de ton, je ne crois pas. D’abord parce qu’il existe encore une loi de surveillance et de contrôle des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence, qui date de 1949. Mais surtout parce que le marché du livre sanctionne souvent les livres trop audacieux ; les éditeurs ou même les auteurs veulent aussi vendre leurs livres, peut-être pratiquent-ils une forme d’autocensure, si vous voulez…
B : Quelle est la place de l’Alsace dans la production éditoriale française pour la jeunesse ?
PF : Il y a peu d’éditeurs alsaciens et ils se consacrent rarement à la jeunesse, à part bien sûr les Éditions Callicéphale installées à Strasbourg qui ont créé depuis 15 ans un catalogue d’une grande qualité et une offre unique en France de kamishibaï. Les éditions Père Fouettard existent depuis moins d’un an et nous avons la ferme intention d’amuser un maximum de mômes, et ce pour longtemps. À ce propos, nous proposons un concours aux enfants : on leur demande de raconter, dessiner ou prendre en photo leur bêtise la plus drôle de l’année (réelle ou inventée bien sûr). Les participants recevront leurs récompenses le 6 décembre, pour la Saint-Nicolas.
B : Pouvons-nous parler d’exception culturelle alsacienne dans ce domaine ?
PF : Il existe des auteurs alsaciens pour la jeunesse exceptionnels, écrivains ou illustrateurs, mais je ne suis pas certain qu’il existe une exception culturelle alsacienne dans ce domaine.
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